Blog de Me Antoine BON, Avocat, Strasbourg. Informations et débats autour du droit du travail : réglementation, embauche, exécution, conditions de travail, santé au travail, harcèlement, salaire, temps de travail, heures supplémentaires, licenciement, prise d'acte de la rupture du contrat de travail, contrats précaires, CDD, CDI, intérim, requalification, procédure prud'hommale... 5 allée d'Helsinki 67300 SCHILTIGHEIM - 03 90 20 81 40

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mardi, 26 avril 2016

On peut voler sans vouloir nuire

Cour de cassation - chambre sociale - 22 octobre 2015
Cour de cassation - chambre sociale - 22 octobre 2015

Dans deux arrêts rendus le même jour l'hiver dernier, la Cour de cassation énonce ce qui peut paraitre comme un brin absurde, à savoir que les vols, détournements de fonds et abus de confiance ne constituent pas nécessairement les fautes disciplinaires les plus graves que peut commettre un salarié à l'encontre de son employeur.

En l'espèce, la Cour précise la définition de la faute lourde, qui est le stade ultime de la faute disciplinaire.

Elle reprend strictement sa définition classique, à savoir qu'une telle faute suppose la volonté de nuire à l'employeur.

La différence entre un licenciement pour faute lourde et un licenciement pour faute grave se résumait jusqu'à présent, en terme d'indemnité, à la privation de l'indemnité de congés payés.

Cette différence vient d'être effacée par le Conseil constitutionnel dans une Question Prioritaire de Constitutionnalité du 2 mars 2016 qui énonce que même la faute lourde ne peut priver le salarié de son droit à rémunération de congés payés.

Il existe cependant une autre particularité de la faute lourde puisque c'est la seule faute qui permet d'engager la responsabilité du salarié vis à vis d'un préjudice qu'il aurait causé à l'entreprise.

Sa définition reste donc utile, non pour le licenciement lui-même, mais pour permettre l'action indemnitaire à l'égard du salarié.

Et la Cour précise à ce titre logiquement que les juges, pour retenir la faute lourde, ne doivent pas se contenter de caractériser des faits, mais doivent également caractériser l'intention de nuire à l'employeur par le salarié.

Cette énonciation d'une logique juridique imparable entraîne cependant la Cour à dérouler jusqu'au bout sa logique et à refuser de voir automatiquement dans le vol ou le détournement des fonds de l'entreprise, une faute lourde.

En effet elle considère logiquement que si le vol nuit à l'employeur, les juges doivent également caractériser au surplus en quoi le salarié, au delà de sa volonté d'appropriation des sommes, a eu l'intention et la volonté spécifique de nuire à l'employeur.

Ainsi le domaine de la faute lourde est réduit à l'action volontaire du salarié dans le but de porter préjudice à l'employeur. Cela ne devrait donc plus concerner que les dégradations volontaires, les diffamations ou injures, le dénigrement... mais pas nécessairement le vol.

lundi, 16 janvier 2012

Si tu caftes pas tu prends la porte !

Cour de cassation - chambre sociale - 1 décembre 2011

Dans cet arrêt d'espèce assez intéressant une entreprise fabricant des téléphones découvre dans le vestiaire d'un salarié un téléphone dérobé.

Elle porte plainte pour vol contre le salarié mais le licencie pour "non-respect des consignes régulièrement rappelées par l'employeur révélé par la découverte dans son vestiaire de matériel téléphonique qui ne devait pas s'y trouver".

Relaxé des poursuite de vol, le salarié entendait que les juridictions prudhomales admette l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

La Cour d'appel de Colmar lui a donné tort.

La solution est confirmée par la Cour de cassation qui précise que le licenciement est fondé dès lors qu'il était reproché d'avoir omis de porter immédiatement à la connaissance de l'employeur des faits de vol dont il avait été témoin et oeuvré pour empêcher leur révélation, ce qui constitue, pour la Cour de cassation, une telle violation de l'obligation de loyauté du salarié qu'elle justifiait son licenciement.

Ainsi un salarié qui constate une infraction causant préjudice à son employeur est tenu d'une obligation de loyauté lui imposant de dénoncer auprès de lui ces faits.

lundi, 21 novembre 2011

Renoncer à un dépôt de plainte pour vol n'est pas une concession de l'employeur...

Cour de cassation - chambre sociale - 13 octobre 2011

Cet arrêt illustre la limite souvent floue autour de laquelle doivent naviguer les juridictions sociales saisies de la contestation d'une transaction entre un employeur et un salarié.

En effet pour être valable, une transaction doit comporter des concessions réciproques de chaque partie.

Cependant le juge ne peut substituer son appréciation à celle des parties quant à l'origine du litige ayant conduit à la transaction.

Dans le cas d'espèce une salarié licenciée pour faute grave à raison du vol d'une boite de paracétamol avait conclu une transaction par laquelle elle acceptait de ne pas contester son licenciement en échange de l'engagement de son employeur de ne pas porter plainte pour vol.

Pour déterminer si un tel accord emporte des concessions réciproques, il faudrait que le juge détermine si le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. Si ce n'est pas le cas, la salariée a abandonné le droit de réclamer une indemnisation importante cependant que son employeur ne s'est privée que d'une action qui ne lui aurait rien apporté. Si ce n'est pas le cas, la salariée a abandonné une procédure vouée à l'échec contre l'abandon d'une procédure de peu d'intérêt pour l'employeur.

Seule cette appréciation interdite au juge permettrait de déterminer si l'accord emporte des concessions réciproques.

Pour trancher le débat, sans le trancher, la Cour de cassation énonce que : "c'est sans se prononcer sur la réalité et le sérieux de la faute invoquée que la cour d'appel a pu décider que la renonciation à un dépôt de plainte et à une indemnisation ne constituait pas, de la part de l'employeur, une véritable concession au regard de la renonciation de la salariée, privée de toute indemnité, à contester son licenciement."

Ainsi les juges peuvent se borner à considérer que la renonciation à une plainte pénale pour vol "ne vaut pas" la renonciation à une action en contestation de licenciement, sans bien sur expliquer pourquoi...

vendredi, 5 août 2011

On peut voler si c'est le seul moyen de prouver.

Cour de cassation - chambre criminelle - 16 juin 2011

Dans le climat tendu pouvant entourer la rupture d'un contrat de travail, il n'est pas exceptionnel de voir un employeur porter plainte pour vol contre un salarié qui produit devant le conseil des prudhommes des documents auquel il a eu accès à l'occasion de son travail.

Généralement de telles plaintes sont classées sans suite par le parquet. L'entreprise se porte alors partie civile ce qui a pour conséquence la nomination d'un juge d'instruction.

Ce dernier peut également rendre une ordonnance de non lieu, refusant ainsi de saisir le tribunal correctionnel des faits instruits.

C'est sur le recours de l'employeur contre une telle décision de non lieu, confirmée par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel, que la Chambre criminelle vient clore ces années de poursuites de la société contre son ancien salarié.

Elle considère en effet que le salarié qui "a appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions et dont la production était strictement nécessaire à l'exercice de sa défense dans la procédure prud'homale qu'il a engagée" ne commet aucun délit de vol ou d'abus de confiance.

lundi, 14 septembre 2009

Vol de documents de l'entreprise : oui, mais pour quoi faire ?

Un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation rendu le 9 juin 2009 illustre les fluctuations de la jurisprudence relative au vol des documents de l'entreprise par le salarié.

On sait que la chambre sociale de la Cour de cassation est de plus en plus clémente avec le salarié qui commet un tel vol et utilise son produit dans le cadre d'une instance prud'homale.

C'est ainsi que la Cour reconnait depuis longtemps (voir par exemple l'arrêt de la chambre sociale du 2 décembre 1998) le droit de produire devant les juges prudhommaux les documents dont il a pu avoir connaissance dans le cadre de son travail.

L'employeur reste cependant recevable, non à soulever l'irrecevabilité des preuves ainsi apportée devant le Conseil, mais à porter plainte pour vol devant les juridictions pénales.

La Chambre criminelle a ainsi eu l'occasion de se prononcer sur la caractérisation d'un vol dans ces circonstances.

Dans un arrêt remarqué du 11 mai 2004, la Cour avait décidé de ne pas sanctionner pénalement le vol de documents lorsque ceux-ci sont nécessaires pour assurer sa défense devant les juridictions prudhommales.

En l'espèce la question se posait de connaitre le sort de la plainte pour vol déposée contre le salarié à raison de la production de documents de l'entreprise par le salarié devant les gendarmes, saisis par l'employeur d'une plainte en diffamation contre le salarié.

On aurait pu penser que la Cour refuserait de voir un vol dans la production de documents strictement nécessaires à assurer la défense du salarié dans un litige de ce type, ce d'autant plus qu'en cas de diffamation, le prévenu doit pouvoir faire la preuve de la vérité des faits en cause.

La Chambre criminelle en a décidé autrement et approuve la Cour d'appel d'avoir condamné le salarié pour vol.

Comprenne qui pourra la logique d'un tel arrêt qui incite à la plus grande prudence quant à la production de documents de l'entreprise par un salarié. Un judicieux conseil serait d'en référer à son avocat avant toute divulgation de tels documents...