Blog de Me Antoine BON, Avocat, Strasbourg. Informations et débats autour du droit du travail : réglementation, embauche, exécution, conditions de travail, santé au travail, harcèlement, salaire, temps de travail, heures supplémentaires, licenciement, prise d'acte de la rupture du contrat de travail, contrats précaires, CDD, CDI, intérim, requalification, procédure prud'hommale... 5 allée d'Helsinki 67300 SCHILTIGHEIM - 03 90 20 81 40

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Mot-clé - résiliation judiciaire

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vendredi, 13 août 2021

Une faute prescrite peut justifier la résiliation du contrat aux torts de l'employeur

Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2021

Depuis quelques années, le législateur n'a eu de cesse que de réduire le délai de prescription des demandes liées au contrat de travail, au point d'aboutir à un régime plus défavorable que celui du droit commun.

Ce sort particulier fait aux droits des salariés s'expliquerait par la nécessité de prévisibilité de l'action économique et l'engorgement des juridictions.

La situation est devenue si moralement difficile à soutenir que la Cour de cassation vient de rendre un curieux arrêt : un salarié placé en arrêt maladie par son médecin pendant près de 3 ans avait saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire et d'indemnisation sur la base des manquements de l'employeur qu'il considérait être à l'origine de son arrêt de travail.

La Cour d'appel, appliquant les dispositions législatives, avait débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes. Saisie par la salariée, la Cour de cassation confirme la prescription de ses demandes indemnitaires mais considère que les manquements, même prescrits, devaient être examinés par la Cour d'Appel pour apprécier la demande de résiliation judiciaire.

Ainsi, sans le dire explicitement, la Cour ouvre la possibilité aux juges de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur sur la base de faits prescrits et ne pouvant donner lieu à indemnisation.

Il est difficile d'imaginer qu'une solution aussi bancale sur le plan juridique pourrait se maintenir longtemps. Elle illustre cependant la situation kafkaienne créée par les réformes successives du droit du travail qui placent les salariés dans une situation de justiciables de seconde zone et le manque total de réflexion du législateur sur le sens et l'effet des réformes qu'il met en place.

Il convient désormais d'attendre soit qu'à l'instar de la jurisprudence sur les plafonds d'indemnisation "Macron", les juges rééquilibrent le régime mis en place par le législateur, soit que ce dernier ose se saisir du problème. Si la première solution est la plus probable, elle ouvre cependant une longue période d'incertitude sur le régime de la prescription en droit du travail qui n'est souhaitable ni pour les employeurs, ni pour les salariés.

jeudi, 9 mai 2013

Si tu romps... J'annule tout !

Cour de Cassation - Chambre Sociale - 10 avril 2013

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation se prononce sur l'articulation entre la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et la conclusion d'une rupture conventionnelle.

La particularité de la demande en résiliation judiciaire est que le lien contractuel est maintenu pendant la procédure et que c'est au Conseil de prononcer, éventuellement, la rupture à l'issue de la procédure.

Que se passe-t-il donc lorsque le salarié et l'employeur concluent postérieurement une rupture conventionnelle ?

C'était le cas d'espèce tranché dans cet arrêt où un salarié avait intenté une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail devant le Conseil de Prud'hommes, puis avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Toutefois, il avait maintenu son action en résiliation judiciaire aux torts de son employeur.

En effet, en application des principes jurisprudentiels antérieurs, les juges seraient toujours saisis de la demande de résiliation et ce n'est que s'ils n'accordaient pas la rupture qu'ils donneraient effet à la rupture conventionnelle.

La Cour de Cassation refuse d'appliquer ce principe et valide le raisonnement de la Cour d'Appel, qui a constaté que suite à la rupture conventionnelle, le contrat de travail avait été rompu et qu'en conséquence, la demande de résiliation judiciaire était devenue sans objet.

La solution apparait cependant juridiquement critiquable transformant la rupture conventionnelle en une forme de transaction, alors qu'en principe ce n'est pas sa nature.

lundi, 23 avril 2012

Quand le licenciement télescope la demande de résiliation judiciaire

Cour de cassation - chambre sociale - 7 mars 2012

Cet arrêt présente la particularité de s'intéresser à l'articulation entre le licenciement et la demande de résiliation judiciaire.

La Cour de cassation rappelle qu'une fois le contrat rompu par un licenciement, la demande de résiliation judiciaire ne peut plus être accueillie.

C'est d'ailleurs l'occasion pour la Cour d'y confirmer que le licenciement prend effet au moment de l'envoi de la lettre de licenciement.

De manière plus originale, elle casse l'arrêt d'appel pour ne pas avoir en l'espèce apprécié le bien fondé du licenciement antérieur à la demande de résiliation à la lumière des reproches faits dans le cadre de cette demande de résiliation judiciaire.

Ainsi elle pose le principe que même si le contrat a été rompu par le licenciement, l’appréciation de la légitimité de ce motif de licenciement doit intégrer les griefs du salarié exposé dans sa demande de résiliation postérieure.

mercredi, 7 mars 2012

Même sans activité il faut payer les salariés (et ne pas oublier de les licencier...)

Cour de cassation - chambre sociale - 19 janvier 2012

Un salarié avait saisi le conseil des prudhommes d'une demande de résiliation judiciaire contre son employeur en liquidation.

La Cour de cassation approuve la Cour d'appel d'avoir prononcé la requalification assortie d'un rappel de salaire à compter de la cessation des versements jusqu'au jour du jugement la prononcant.

L'employeur arguait qu'à compter de la cessation de son exploitation, aucun salaire n'était plus du aucun travail ne pouvant être fourni.

La Cour de cassation refuse de le suivre en rappelant qu'en l'absence de licenciement, l'employeur est tenu de fournir du travail au salarié qui se tient à sa disposition.

Ainsi, quel que soit la cause de l'absence d'activité de la société elle ne l'exonère pas de procéder au licenciement et de payer les salaires jusqu'à son prononcé.

Une décision à méditer par les mandataires sociétés en liquidation.

lundi, 2 mai 2011

La modification du contrat sur avis d'inaptitude partielle nécessite l'accord du salarié

Cour de cassation - chambre sociale - 2 mars 2011

Dans cet intéressant arrêt de la Chambre sociale, il est statué sur le sort d'un salarié commercial qui plaignait initialement de la modification unilatérale par son employeur des conditions de détermination de sa prime d'objectif. Postérieurement il a été placé en arrêt maladie et le médecin du travail préconisait la diminution de son temps de travail. L'employeur décidait unilatéralement de réduire son temps de travail de 20% et son secteur géographique de 42%.

Déclaré ensuite inapte à tout poste dans l'entreprise, il avait fait l'objet d'un licenciement.

Après avoir intenté une action en résiliation sur le fondement de la modification de sa prime, le salarié, débouté en premier instance, puis placé en arrêt de travail avait fait appel, abandonné sa demande de résiliation judiciaire et contesté la cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude.

La Cour d'appel a suivi le salarié et considéré que la modification du secteur du salarié sans son accord constituait une faute de l'employeur, directement à l'origine de son inaptitude. La Cour acceptait aussi de suivre le salarié dans sa contestation de la modification du calcul de sa prime.

La Chambre sociale retient la solution de la Cour d'appel s'agissant de l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture.

La modification de secteur géographique nécessitait l'accord du salarié, ce qui n'avait pas été sollicité par l'employeur. Elle était donc fautive.

La Cour ayant constaté que cette faute avait directement été à l'origine de l'inaptitude, elle devait déclarer le licenciement pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse et a justement fixé le préjudice à près de 100 000 €.

Elle approuve également la Cour d'avoir condamné l'employeur à 10 0000 € d'indemnisation au titre d'un préjudice distinct du licenciement à raison de cette modification illégale.

Cependant elle casse l'arrêt s'agissant de la modification du calcul de la prime d'objectif. En effet, il était contractuellement prévu que sa modification pouvait être décidée unilatéralement par l'employeur. L'accord du salarié n'était donc pas nécessaire.

Le salarié se voit ainsi indemnisé à des montants substantiels alors que le premier incident ayant donné lieu à la saisine du Conseil des Prudhommes était finalement voué à l'échec puisqu'il s'agissait d'une mesure légitime de l'employeur.

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