Blog de Me Antoine BON, Avocat, Strasbourg. Informations et débats autour du droit du travail : réglementation, embauche, exécution, conditions de travail, santé au travail, harcèlement, salaire, temps de travail, heures supplémentaires, licenciement, prise d'acte de la rupture du contrat de travail, contrats précaires, CDD, CDI, intérim, requalification, procédure prud'hommale... 5 allée d'Helsinki 67300 SCHILTIGHEIM - 03 90 20 81 40

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lundi, 3 décembre 2018

Cinq ans d'heures de travail non payées ne suffisent pas à motiver la rupture du contrat par le salarié

Cour de cassation - chambre sociale - 14 novembre 2018

Cet arrêt illustre la tendance constatée depuis plusieurs années au sein de la jurisprudence de la Cour de cassation visant à restreindre le plus possible le domaine de la prise d'acte du contrat de travail.

Cette technique, pourtant inventée par la jurisprudence, permettait au salarié confronté à un comportement fautif de son employeur de rompre son contrat de travail unilatéralement. Les juges, saisis des conséquences de cette rupture, doivent alors arbitrer entre la qualification de démission ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse; selon que les manquements à l'origine de la rupture pouvaient ou non être prouvés par le salarié.

Le premier frein à cette possibilité pour le salarié de rompre ainsi son contrat aux torts de l'employeur vint de Pole emploi. L'organisme considère, en effet que le salarié doit être considéré, au regard des prestations sociales, comme un salarié démissionnaire.

La jurisprudence a, ensuite, ajouté une condition à la possibilité de qualifier la rupture comme imputable à l'employeur en exigeant que la faute de l'employeur soit d'une gravité suffisante.

Sans aucun repère objectif, les salariés et employeurs se trouvaient ainsi entièrement aux mains de l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la définition de la gravité suffisant à passer d'une rupture ayant les effets d'une démission à celle ayant les conséquences d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a alors rendu régulièrement des arrêts visant à tracer cette limite.

Force est de constater que le territoire de la faute justifiant que la rupture soit considérée comme ayant les conséquences d'une rupture sans cause réelle et sérieuse n'a cessé de se restreindre.

Les salariés confrontés à ces situations doivent donc réfléchir à deux fois avant de prendre une décision unilatérale irréversible...

Le présent arrêt en est une belle illustration puisque la Cour de cassation considère que le non-paiement, pendant plusieurs années, de temps de travail du salarié n'est pas suffisamment grave dès lors que le salarié n'avait pas contesté sa rémunération pendant plusieurs années.

Il n'existe aujourd'hui quasiment plus de circonstances permettant d'entretenir l'espoir raisonnable de voir mettre à la charge de l'employeur les conséquences d'une prise d'acte de la rupture du contrat de travail d'un salarié, même en présence de manquements essentiels comme celui du paiement du salaire.

lundi, 2 mai 2016

Comment bien se rétracter d'une rupture conventionnelle

Cour de cassation - chambre sociale - 6 octobre 2015

Dans cet intéressant arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, il est question d'un salarié ayant négocié une rupture conventionnelle dont il a entendu se dédire à la fin du délai qui lui était offert pour se rétracter.

Au lieu d'adresser à son employeur un courrier faisant état de sa rétractation, son avocat a adressé un courrier en ce sens à la DIRECCTE, autorité chargée de l'homologation de la rupture, un jour avant l'échéance du délai.

La DIRECCTE a malgré cela homologué la rupture qui devait prendre effet quelques semaines plus tard.

Le salarié avait alors adressé sa rétractation à l'employeur puis, devant le refus de l'employeur d'y donner effet, pris acte de la rupture de son contrat de travail.

La Cour de cassation approuve les juges du fond de n'avoir pas donné suite aux demandes du salarié de voir prononcer la rupture aux torts de l'employeur.

A cet occasion elle rappelle deux principes :

  • La rétractation du salarié ne peut s'exercer que par courrier adressé à l'employeur et non à l'autorité administrative conformément aux dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail.
  • La prise d'acte de la rupture du contrat de travail postérieure à l'expiration du délai de rétractation ne peut porter que sur des faits postérieurs à cette date.

Ainsi la Cour sécurise le processus de rupture conventionnelle en interdisant les manœuvres visant à ne pas informer l'employeur de la rétractation ou en attendant l'homologation de la rupture pour prendre acte du contrat de travail pour tenter d'obtenir une indemnisation complémentaire relative à la rupture.

lundi, 4 mars 2013

Des faits commis par l'employeur en dehors du temps de travail peuvent justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Cour de cassation - chambre sociale - 23 janvier 2013

Une salariée en arrêt de travail depuis un jour se rendait à une leçon de bridge à son club. Informé de sa présence, son employeur s'y rendit pour lui exposer ses doutes sur la réalité de cet arrêt de travail qui lui permettait de continuer à s'adonner à sa passion pour les cartes mais pas à ses obligations professionnelles. L'employeur exposa si vertement et en public ses observations, que la salariée en fut choquée et sidérée, nécessitant l'intervention de l'assistance.

La Cour d'appel et la Cour de cassation approuvent la salariée d'avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail à raison de ces faits.

L'intérêt de l'arrêt est d'admettre qu'un salarié puisse prendre acte de la rupture du contrat à raison de faits commis en dehors du temps et du lieu de travail.

En l'occurrence il existait un lien avec le contrat de travail puisque l'irruption de l'employeur dans le club de bridge était en rapport avec l'arrêt de travail de la salariée.

On peut se poser la question de savoir si, de même que le licenciement d'un salarié peut intervenir à raison de faits commis au cours de la vie privée du salarié s'ils ont un retentissement sur la vie de l'entreprise, les faits qui fondent la prise d'acte de la rupture doivent nécessairement avoir un lien avec le contrat de travail.

je vous recommande à ce titre la lecture du commentaire bien plus détaillé de Me MOUROT.

mercredi, 11 avril 2012

Donner sa démission en plein conflit avec l'employeur ne la rend pas équivoque.

Cour de cassation - chambre sociale - 7 mars 2012

Des salariés avaient démissionné de leur emploi alors qu'existait un conflit avec leur employeur au sujet de leur temps de travail et de l'application de la convention collective.

Ils remettaient en cause la validité de leurs démission au motif que leur consentement avait été vicié par des pressions de l'employeur.

La Cour d'appel après avoir écarté cet arguement en constatant que les démissions avaient été murement réfléchies, remet cependant en cause leurs conséquences en raison des différents existant entre les parties. Elle en concluait que dans un tel contexte, il fallait traiter les démissions comme des prises d'acte de la rupture à raison des fautes reprochées à l'employeur.

La Cour de cassation refuse de suivre le raisonnement de la Cour d'appel. Elle rappelle que si les salariés n'ont basé leurs recours que sur le vice du consentement, la Cour d'appel ne pouvait y substituer le moyen que les démissions seraient équivoques à raison du contentieux en cours avec l'employeur.

mercredi, 7 septembre 2011

Objectifs annuels : Sanction de l'absence de fixation par l'employeur.

Cour de cassation - chambre sociale - 29 juin 2011

Un salarié avait été embauché avec un salaire dont la partie variable dépendait d'objectifs fixés par l'employeur chaque année.

La première année, l'objectif n'avait pas été atteint.

Pour les années suivantes l'employeur n'avait pas fixé de nouveaux objectifs.

Le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail.

La Cour d'appel de Versailles lui a donné raison, ce que l'employeur critiquait devant la Cour de cassation en argumentant qu'en l'absence de fixation, le juge devait déterminer les objectifs par rapport à ceux de la première année et que la carence du salarié à les atteindre le privait de toute réclamation.

La Chambre sociale refuse le raisonnement et énonce de façon catégorique, qu’ indépendamment de sommes éventuellement dues au titre de la partie variable, la simple absence de fixation annuelle d'objectifs prévus au contrat de travail constitue un manquement justifiant la prise d'acte de la rupture par le salarié.

La solution est remarquable puisqu'au demeurant le salarié qui n'aurait probablement pas réussi à remplir les objectifs si ceux-ci avaient été fixés par l'employeur dans des proportions voisines de celles prévues la première année.

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