Blog de Me Antoine BON, Avocat, Strasbourg. Informations et débats autour du droit du travail : réglementation, embauche, exécution, conditions de travail, santé au travail, harcèlement, salaire, temps de travail, heures supplémentaires, licenciement, prise d'acte de la rupture du contrat de travail, contrats précaires, CDD, CDI, intérim, requalification, procédure prud'hommale... 5 allée d'Helsinki 67300 SCHILTIGHEIM - 03 90 20 81 40

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Mot-clé - contrats précaires

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lundi, 6 janvier 2020

Un sportif professionnel est-il un précaire par nature ?

Cour de cassation - chambre sociale - 4 décembre 2019 - N° 18-11989

Cet arrêt mérite lecture car la solution donnée pourrait paraître contre-intuitive.

La législation du travail prévoit la possibilité de recourir à des contrats précaires pour les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Le sport professionnel fait partie de ces secteurs et il pourrait être communément admis que les contrats de travail des joueurs professionnels relèvent naturellement de cette dérogation.

Ce serait oublier les dispositions de l'article L1242-1 du code du travail qui énoncent qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Sur le fondement de ces dispositions, la jurisprudence exige des employeurs désirant recourir aux contrats précaires d'usage justifie, en plus de leur appartenance à un secteur autorisé à y recourir, qu'ils démontrent le caractère par nature temporaire des emplois concernés.

En l'espèce un club de Rugby défendait que le seul fait que le contrat porte sur une prestation de joueur de rugby professionnel d'une saison suffisait à démontrer ce caractère temporaire par nature.

La Cour d'appel de Montpellier avait refusé de suivre le raisonnement en considérant que la démonstration du caractère temporaire du contrat n'était pas rapportée.

On pourrait s'étonner que la Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond.

Il n'est cependant pas absurde puisque le joueur avait été reconduit plusieurs fois et avait même signé des contrats pour plusieurs saisons.

On comprend donc qu'un contrat de joueur de rugby professionnel n'est pas nécessairement temporaire.

De surcroît, en poussant l'analyse, on comprend que dans une équipe professionnel, un certain nombre de poste ne sont pas, par nature temporaires : en effet un club a toujours besoin d'un joueur à chaque poste de ses équipes. On en déduit donc que ces postes ne sont pas temporaires par nature et que, malgré la dérogation du décret, les postes de joueurs professionnels devraient être pourvus par des emplois à durée indéterminée.

Il conviendra d'être attentif, dans le domaine du sport, à l'évolution et l'interprétation des textes, car si les motivations de cet arrêt sont confirmées et généralisées, cela va créer un risque important de requalification de la nature des contrats des sportifs professionnels et un risque financier important en cas de non-renouvellement du contrat.

En effet, si le contrat ne peut revendiquer le bénéfice de la dérogation des contrats d'usage, il doit être requalifié en CDI et sa rupture devient dépourvue de cause réelle et sérieuse entraînant obligation de règlement d'indemnité de licenciement, préavis et indemnisation des conséquences de la rupture.

lundi, 28 octobre 2019

Requalification des contrats précaires : attention à la prescription !

Cour de cassation - chambre sociale - 3 mai 2018

Cet arrêt permet d'illustrer les profondes mutations du droit du travail résultant des modifications successives de la législation et notamment la réduction des prescriptions en la matière.

Il est loin le temps où le salarié auquel l'employeur a recouru par des contrats précaires irréguliers disposait de dix ans à l'issue du dernier de ces contrats précaires pour demander réparation du préjudice subi.

Pour la Cour de cassation, le salarié ne dispose désormais plus que de deux années pour demander la requalification de son contrat précaire en contrat à durée indéterminée, à compter de la conclusion du premier contrat irrégulier.

Ainsi le salarié qui enchaîne les contrats précaires, tous viciés d'une même irrégularité (par exemple, parce qu’il a été conclu pour un motif interdit), ne pourra plus s'en plaindre une fois la deuxième année de relation précaire achevée.

Si la solution retenue permet de sécuriser les employeurs au bout de deux ans, elle aboutit à rendre incontestables des situations pourtant objectivement illégales et ce, au détriment des salariés précaires.

vendredi, 27 mars 2015

Interim : Une nouvelle cause de requalification

Cour de cassation - chambre sociale - 11 mars 2015

Cet arrêt est une nouvelle occasion pour la Chambre sociale de la Cour de cassation de rappeler sa sévérité quant au caractère dérogatoire des contrats précaires.

Elle a eu à de nombreuses reprises l'occasion de rappeler que pour que ces contrats soient valables ils doivent respecter tant les conditions de fond relatif au caractère temporaire de l'emploi pourvu que les conditions de forme prévues par le Code du travail.

Elle saisi l'occasion de ce pourvoi pour confirmer la décision d'une Cour d'appel qui a procédé à la requalification en CDI (avec la société d'intérim) du contrat intérimaire au seul motif que le contrat ne comportait pas l'indication de l'indemnité de fin de mission qui lui était du.

Or, la mention des modalités de rémunération figure au nombre des clauses obligatoires prévues à l'article L 1251-16 du code du travail.

Demeure en suspens la question de savoir si cette solution rigoureuse sera transposée aux contrats à durée déterminées qui relèvent de dispositions différentes du code du travail et pour lesquels la jurisprudence admet une tolérance plus grande quant au non-respect des mentions obligatoires.

lundi, 10 mars 2014

Employeur : Attention ou ton cdd met les pieds !

Cour de cassation - chambre sociale - 23 octobre 2013

Cet arrêt étonnant intervient suite à une réclamation d'un salarié embauché en CDD qui, bien que ne travaillant pas dans une zone dangereuse, disposait d'un badge lui permettant d'accéder à des zones exposées à des dangers ionisants.

La Cour de cassation approuve la Cour d'appel d'avoir indemnisé le salarié à ce titre au motif que cette permission d'accès constituait, en elle même, un manquement à l'obligation de sécurité résultat ouvrant droit à indemnisation du préjudice moral subi.

Ainsi le manquement à l'obligation de sécurité résultat s'entend au delà d'un résultat dommageable réel à la possibilité de l'existence de ce dommage, ce qui créé un préjudice moral pour le salarié.

On atteint là les limites de l'extension possible de la responsabilité de l'employeur...

lundi, 23 septembre 2013

Requalifications de contrats précaires : le retour de la période intercalaire !

Cour de cassation - chambre sociale - 25 juin 2013

Lorsqu'un salarié précaire enchaîne de nombreux contrats pour un même employeur, la question se pose, au delà de la reconnaissance de l'existence d'un CDI, du paiement de salaires pendant les périodes entre les contrats, appelées périodes intercalaires.

Malgré la réticence marquée des juridictions du fonds pour condamner les employeurs à cette indemnisation, la Chambre sociale de la Cour de cassation continue à rappeler qu'une telle indemnisation est due, sauf à prouver que le salarié ne s'est pas tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes.

En l'espèce la Cour d'appel avait cru pouvoir rejeter la demande du salarié à raison de ce que ce dernier s'était inscrit à Pole Emploi pendant ces périodes et avait été indemnisé. Elle considérait que cette inscription et cette indemnisation prouvaient que le salarié ne s'était pas tenu à la disposition de l'employeur.

La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement et considère que la perception d'indemnités de chômage n'exclut pas à elle seule que le salarié ne se tienne pas à la disposition de l'employeur.

La Cour de cassation ne prend cependant toujours pas position sur la charge de la preuve de ce que le salarié soit demeuré à la disposition de l'employeur, semblant même faire relever l'appréciation de cette qualification sur juge et non sur l'une ou l'autre des parties en particulier.

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