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Jurisprudence › Contrats précaires

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lundi, 6 janvier 2020

Un sportif professionnel est-il un précaire par nature ?

Cour de cassation - chambre sociale - 4 décembre 2019 - N° 18-11989

Cet arrêt mérite lecture car la solution donnée pourrait paraître contre-intuitive.

La législation du travail prévoit la possibilité de recourir à des contrats précaires pour les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Le sport professionnel fait partie de ces secteurs et il pourrait être communément admis que les contrats de travail des joueurs professionnels relèvent naturellement de cette dérogation.

Ce serait oublier les dispositions de l'article L1242-1 du code du travail qui énoncent qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Sur le fondement de ces dispositions, la jurisprudence exige des employeurs désirant recourir aux contrats précaires d'usage justifie, en plus de leur appartenance à un secteur autorisé à y recourir, qu'ils démontrent le caractère par nature temporaire des emplois concernés.

En l'espèce un club de Rugby défendait que le seul fait que le contrat porte sur une prestation de joueur de rugby professionnel d'une saison suffisait à démontrer ce caractère temporaire par nature.

La Cour d'appel de Montpellier avait refusé de suivre le raisonnement en considérant que la démonstration du caractère temporaire du contrat n'était pas rapportée.

On pourrait s'étonner que la Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond.

Il n'est cependant pas absurde puisque le joueur avait été reconduit plusieurs fois et avait même signé des contrats pour plusieurs saisons.

On comprend donc qu'un contrat de joueur de rugby professionnel n'est pas nécessairement temporaire.

De surcroît, en poussant l'analyse, on comprend que dans une équipe professionnel, un certain nombre de poste ne sont pas, par nature temporaires : en effet un club a toujours besoin d'un joueur à chaque poste de ses équipes. On en déduit donc que ces postes ne sont pas temporaires par nature et que, malgré la dérogation du décret, les postes de joueurs professionnels devraient être pourvus par des emplois à durée indéterminée.

Il conviendra d'être attentif, dans le domaine du sport, à l'évolution et l'interprétation des textes, car si les motivations de cet arrêt sont confirmées et généralisées, cela va créer un risque important de requalification de la nature des contrats des sportifs professionnels et un risque financier important en cas de non-renouvellement du contrat.

En effet, si le contrat ne peut revendiquer le bénéfice de la dérogation des contrats d'usage, il doit être requalifié en CDI et sa rupture devient dépourvue de cause réelle et sérieuse entraînant obligation de règlement d'indemnité de licenciement, préavis et indemnisation des conséquences de la rupture.

lundi, 28 octobre 2019

Requalification des contrats précaires : attention à la prescription !

Cour de cassation - chambre sociale - 3 mai 2018

Cet arrêt permet d'illustrer les profondes mutations du droit du travail résultant des modifications successives de la législation et notamment la réduction des prescriptions en la matière.

Il est loin le temps où le salarié auquel l'employeur a recouru par des contrats précaires irréguliers disposait de dix ans à l'issue du dernier de ces contrats précaires pour demander réparation du préjudice subi.

Pour la Cour de cassation, le salarié ne dispose désormais plus que de deux années pour demander la requalification de son contrat précaire en contrat à durée indéterminée, à compter de la conclusion du premier contrat irrégulier.

Ainsi le salarié qui enchaîne les contrats précaires, tous viciés d'une même irrégularité (par exemple, parce qu’il a été conclu pour un motif interdit), ne pourra plus s'en plaindre une fois la deuxième année de relation précaire achevée.

Si la solution retenue permet de sécuriser les employeurs au bout de deux ans, elle aboutit à rendre incontestables des situations pourtant objectivement illégales et ce, au détriment des salariés précaires.

lundi, 26 juin 2017

Précisions sur les rappels de salaire en cas de requalification de contrat précaire

Cour de cassation - chambre sociale - 9 juin 2017

Cet arrêt est l'occasion pour la Chambre sociale de préciser les conséquences d'une requalification de contrat précaire quant à la date de début du contrat requalifié et aux rappels de salaire pour les périodes sans contrat pendant lesquelles le salarié s'est tenu à la disposition de l'employeur.

La Cour de cassation considère ainsi que le contrat doit être requalifié comme un CDI portant ancienneté à la date du premier contrat précaire.

Pendant les périodes sans contrats ayant séparé les contrats précaires, dès lors que le salarié se tenait à la disposition de l'employeur, il est légitime à réclamer son salaire contractuel, en ce inclus le treizième mois et la prime d'ancienneté qu'il aurait touché s'il avait été engagé à la date de requalification.

mardi, 2 mai 2017

Quinze contrats d'usages pour le même poste, c'est un CDI

Cour de cassation - chambre sociale - 26 janvier 2017

Dans cet arrêt la Cour de cassation rappelle un certain nombre de principes relatifs aux contrats précaires.

Saisie du cas d'une salariée engagnée par un Institut de formation dans le cadre de quinze contrats à durée déterminée d'usage successifs pendant deux ans, bien qu'interrompus pendant une période estivale, en qualité de formatrice pour des temps de travail variables, cette dernière avait refusé un nouveau contrat précaire à temps partiel et saisi les juridictions prudhomales.

L'employeur considérait que son activité lui permettant le recours aux contrats d'usage, ces contrats ne pouvaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée.

La Cour de cassation approuve au contraire la Cour d'appel d'avoir procédé à la requalification.

Sa motivation est éclairante en ce qu'elle rappelle que, même dans les secteurs où le recours aux contrats précaires d'usage est autorisé, ces contrats ne peuvent être utilisés pour occuper un poste permanent de l'entreprise.

Elle précise que les juridictions du fond sont souveraines pour déterminer si les emplois en cause correspondent bien à cette définition et approuve spécialement la Cour d'appel de l'avoir fait dans le cas présent.

Il est ainsi rappelé que le fait pour un employeur d'exercer son activité dans un domaine où il est d'usage de ne pas recourir à des contrats à durée indéterminée, ne les autorise à le faire que pour des missions de caractère temporaire et non dans le cadre de leurs besoins permanents.

mercredi, 8 mars 2017

Un CDD doit aussi être signé par l'employeur

Cour de cassation - chambre sociale - 6 octobre 2016

Cet arrêt est l'occasion pour la Cour de cassation de rappeler que si le code du travail prévoit que (le contrat à durée déterminée doit être établi par écrit (article L 1242-12 du code du travail)|https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006901206&cidTexte=LEGITEXT000006072050], cela entraîne également que ce contrat est soumis aux dispositions générales du code civil et doit donc, pour être valable, être signé des 2 parties.

En l'espèce il casse une décision de Cour d'Appel pour n'avoir pas requalifié en CDI un CDD dont l'employeur ne rapportait pas la preuve qu'il avait été signé par l'employeur.

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